C'est ainsi que M. Herman Van Rompuy qualifie, dans Le Monde du 9 juillet, l'éclatement de la Belgique. Le premier ministre belgo-flamand répondait aux questions posées par le correspondant belge du quotidien français, Jean-Pierre Stroobants.
Se voulant rassurant pour la presse étrangère, il a tenté une sorte de comparaison entre les problèmes belges et ceux que connaît la construction européenne, sans admettre toutefois que la Belgique est un mini-laboratoire de l'Europe, comme a tenté de lui faire dire le journaliste. Concernant le problème du sort de BHV et de la périphérie bruxelloise, il a déclaré que celui-ci serait évoqué au printemps 2010...
On est donc loin, selon lui, du tsunami espéré par les séparatistes flamands [et par les (vrais) rattachistes et indépendantistes wallons]. M Stroobants lui ayant fait remarquer, à ce propos, que les scores additionnés des formations autonomistes et séparatistes flamandes laissent entendre que 40% des Flamands au moins veulent une rupture, M. Van Rompuy a eu cette curieuse et jésuitique tréponse : "Ne caricaturons pas. On peut voter pour un parti séparatiste sans l'être soi-même. Le noyau dur des séparatistes n'a pas évolué depuis trente ans"...Quant à Bruxelles, sa périphérie et le sort de BHV, c'est un symbole, et les symboles sont les thèmes les plus difficiles à régler.
Que retenir de ces déclarations ?
Tout d'abord que la grande réforme de l'Etat voulue par les Flamands n'est pas pour cette année, mais tout au plus pour l'an prochain. Que les partis nationalistes flamands recueillent bien près de 40% des voix. Que Bruxelles, sa périphérie et BHV sont des symboles.
Tout ceci confirme que la meilleure stratégie a adopter par les rattachistes est bien d'encourager les séparatistes flamands dans leur démarche libératrice. Il faut aider leur noyau dur à se renforcer et à se développer, afin que les partis nationalistes obtiennent et dépassent, lors des prochaines élections, la barre des 50%. Peu importe que leurs électeurs ne soient pas tous séparatistes; une fois au pouvoir en Flandre, ils pourront négocier la séparation avec les Wallons et les Bruxellois francophones en toute légalité, comme l'ont fait les Tchèques avec les Slovaques.
Reste l'épineuse question de Bruxelles. On comprend que ce soit un symbole pour les Flamands, comme le Kososvo l'était pour la Serbie. Qu'on le veuille ou non, Bruxelles est un ancien territoire flamand qui a été progressivement francisé, dont la majorité des communes portent d'ailleurs un nom flamand, preuve indiscutable de leur origine germanique. C'est bien pour cela que la Flandre en a fait sa capitale et y a installé son parlement et son gouvernement.
Mais Bruxelles doit elle demeurer un symbole pour les Wallons ? Faut-t-il vraiment se battre pour maintenir une sorte de conquête coloniale francophone - surtout dans la périphérie - comme les Français se sont (réellement) battus pour maintenir les "pieds-noirs" en Algérie, ou les Israéliens pour conserver leurs colonies en Cisjordanie ? Les rattachistes ne doivent-ils pas voir l'intérêt supérieur de la Wallonie [rejoindre la France], suivant ainsi l'exemple du général de Gaulle à propos de l'Algérie "française" ? Pour les rattachistes liégeois, en tout cas, la ville-phare n'est pas Bruxelles, qui les a souvent méprisés, mais Paris, la vraie ville-lumière !
Pendant des décennies, avant l'apparition du FDF [qui est venu brouillé toutes les cartes], le Mouvement wallon était d'accord sur le bilinguisme de Bruxelles et une sorte de cogestion de la capitale par la Flandre et la Wallonie. Les Bruxellois ont choisi une autre voie; ils ont voulu constituer une Région à part entière comme les deux autres. Soit! Mais alors, qu'ils assument leur destin en dehors et indépendamment de la Wallonie, qu'ils envisagent plutôt de devenir une ville libre européenne, où l'égalité des langues sera garantie. N'est-ce pas le bon sens même ?
Vaincre ou mourir pour Bruxelles, c'était bon en 1830. Aujourd'hui, ce n'est plus d'actualité !Et le scénario du chaos, ce n'est pas l'éclatement de la Belgique, comme dit M. Van Rompuy [qui a goûté au pouvoir "belge" et voudrait le conserver] , le chaos permanent, c'est le maintien de la Belgique aux soins intensifs, c'est l'acharnement thérapeutique sur un corps moribond...
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9 commentaires:
Monsieur Schreurs,
Conernant vos opinions, j'en partage une partie, mais je ne suis pas d'accord avec l'idée de s'allier aux nationalistes flamands (on doit raisonner comme Wallons et même si tant mieux les Flamands sont nationalistes, on n'a rien à voir avec leur combat dont certains aspects sont franchement d'extrême droite à la seule et rare exception de VL-pro)
En outre je ne suis pas d'accord que les Wallons seraient paresseux, je ne me sens pas concerné par cet aspect des choses et suis fier d'être wallon et de plus, je pense que cette "paresse" est plutôt le résultat d'une misère sociale due à certains facteurs de déclin économique et industriel propre à certaines zones du sillon Sambre-et-Meuse : Charleroi, banlieue de Liège, Seraing ...à cela pourrait aussi un jour être le cas en Flandre (banlieue d'Anvers dans 20 ans par exemple) en cas de fracture "économique majeure...
Bien à vous et merci
@ Philippe Lange :
Je suis bien d'accord avec vous connernant le comportement des Wallons. Concernant les nationalistes flamands, je répète ce que j'ai souvent dit. Je suis contre l'extrême-droite autant que vous, mais nous ne pouvons pas les changer; il faut bien les prendre comme ils sont. Pendant la dernière guerre, les Américains se sont bien alliés aux Russes pour battre l'Allemagne. Or, le régime soviétique, sous Staline, avec ses procès politiques, ses purges constantes, ses camps de concentration dans les goulags, son génocide en Pologne et ses nombreux crimes n'était pas mieux que le régime nazi. Ca n'a pas empêché l'alliance Est-Ouest...
On n'a pas besoin de Bruxelles si on a Paris.
Sur le blog de M. Alex Remacle, il y a un très bon article de Monsieur Robert Collignon, ancien Ministre-président de la Région wallonne. C'est bien écrit, bien observé, avec beaucoup de finesse.C'est triste, ce qu'il constate, mais tellement vrai!
Des hommes comme Monsieur Collignon nous consolent, nous les anciens, des mous et des marionnettes qui nous gouvernent aujourd'hui. Espérons que le fils de Robert Collignon suive les traces de son père !
@ à Jean Petit :
C'est le discours que M. Collignon a prononcé le 18 juin dernier à Waterloo, lors de la manifestation organisée chaque année par Wallonie Libre au pied du monument de l'Aigle blessé.
Oui, ce fut un beau discours, avec une fin émouvante : "...Dans un an, devant ce monument, sur cette terre où la Wallonie a été séparée de la France, que se passera-t-il? Prendrons-nous la parole en région wallonne d'un Etat fédéral ? Le ferons-nous sur un territoire émancipé, maître absolu de son destin ? Que l'histoire se fasse, et que la Wallonie en soit un acteur sans crainte et sans retenue".
Je n'ai malheureusement pas pu me rendre à Waterloo cette année. Je partage certaines des idées de M. Robert Collignon, notamment sa conception régionaliste par rapport à la "Communauté française", que je transpose, bien évidemment dans cadre de la République française pour le futur, mais qui peut être utile dès-à-présent pour "conscientiser" les Wallons qui en ont grand besoin.
Si le ton général de son discours me plait, il comporte néanmoins une phrase très regrettable et injustifiée: c'est quand il dit que "ceux qui, en terre francophone[pourquoi francophone et pas wallonne ?]s'aventurent encore dans l'imaginaire de l'après-Belgique, ont tout des groupuscules de retraités...qui pinaillent sur les statuts, des anathèmes de non-reconnaissance réciproque, une légitimité inatteignable. Et ces troupes représentent à tout casser 200 personnes"...
L'ancien ministre-président vise manifestement les Etats généraux de Wallonie et leurs organisateurs.
Question : pourquoi n'est-il pas venua aux EGW le 9 mai ? Ceux-ci étaient ouverts à tous et M. Collignon y avait été personnellement invité. Il a même feint un certain temps de faire partie du comité organisateur... Il est vrai que M. Claude Eerdekens, qui mettait aimablement la salle des mariages de son hôtel de ville d'Andenne à notre disposition pour nos réunions, ne s'est pas montré non plus... Seul M. Van Cauwenberghe, qui n'a plus rien à perdre - ni à gagner - est venu s'exprimer et débattre aux EGW.
Si les "troupes" de MM. Collignon, Louvet, Fontaine, Happart, etc - ceux du "Manifeste du Mouvement wallon" et celles du parti WALLONS - M. Libert, Mme Jarbinet, M. Thayse, etc - étaient venues à l'Université le 9 mai...Et si le président du RWF, M. Gendebien, n'avait pas donné l'ordre à ses troupes à lui de boycotter l'initiatide de M.Jules Gheude - seuls les Liégeois ont osé braver le président - ce n'est pas 200 mais 500 au moins que nous aurions été aux EGW. C'est, une fois de plus, une belle occasion manquée. Chacun voulant jouer au petit chef, drapé dans son orgueilleux drapelet jaune et rouge ou bleu-blanc-rouge, voilà à quoi on en arrive ! Alors, les beaux discours, c'est très bien, mais ça ne sert à rien -sauf à se donner "bonne conscience" - si on ne joint pas les actes à la parole !Pendant que les régionalistes/autonomistes/indépendantistes/rattachistes wallons se boudent mutuellement et s'entre-déchirent stupidement, les nationalistes flamands s'unissent et agissent...!
M. Schreurs et M. Lerusse ont bien raison de dire que si nous pouvons un jour nous réunir à la France, ce sera grâce aux Flamands !Triste, mais vrai.
Avec des "si", on met Paris dans une bouteille...
J'ai trouvé la réponse de Van Rompuy aux questions sur la sicssion éventuelle très intéressante : "la séparation, ce serait l'aventure, la chaos". La pauvreté de cette réponse est révélatrice de la faiblesse du pays. En effet, le chaos et l'aventure, c'est aujourd'hui avec une paralysie totale du niveau fédéral depuis DEUX ANS. La sépération, elle, peut se faire très rapidement et de manière ordonnée, comme le montre l'exemple tchécoslovaque. La scission est LE moyen de mettre fin au chaos. Van Rompuy est tout simplement incapable d'admettre cette idée nouvelle.
M. Stroobants a certainement dû être frappé par cette absence d'arguments chez le premier ministre.
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