La France, de Gaulle et l'Histoire

La référence à l'Histoire vaut comme une fidélité, non comme une vanité, une responsabilité plutôt qu' un privilège, une exigence à l'opposé d'un confort (...) Le discours actuel sur les Droits de l'homme passe d'autant mieux qu'on a gommé, et même très officiellement, le couplet symétrique sur les "devoirs" du citoyen ; la défense des "libertés" est d'autant plus populaire qu'elle habille de ce beau mot les petits égoïsmes quotidiens d'un peuple que la télévision a pour mission d'abêtir. La Liberté a tué la Fraternité.

Si le général de Gaulle n'a cessé d'invoquer l'Histoire, c'est pour inviter les Français a y trouver à la fois les raisons de leur confiance et la source de leur énergie. Et toujours, le rappel des grands faits du passé se termine par une adjuration à l'effort. Comme il le dit superbement dans un discours du 14 octobre 1944, alors que la guerre ravage encore une partie de notre territoire : "Nous devons compter avant tout sur nous-mêmes, car notre grandeur procédera demain, comme elle procédait hier, non point de la bienveillance des autres, mais bien de notre propre effort".

De la  même façon, il répondait dans une conférence de presse à Washington, le 10 juillet 1944, à un correspondant qui lui demandait si la France se considérait comme une des quatre grandes puissances, par cette phrase que le journaliste anglo-saxon eut sans doute quelque peine à traduire en anglais : "Je crois que le fait de la France, l'existence de la France, la grandeur de la France sont des choses tellement évidentes que la façon dont on les évoque, dans un discours ou dans une discussion, ne peut avoir qu'un intérêt sentimental. C'est une question de fait".

Invoquer l'Histoire, c'est prendre ses marques, se donner, la géographie aidant, ses coordonnées, tenir le fil d'une explication. Plus encore, assumer son histoire, c'est accepter l'héritage, c'est se comporter en légataire universel - sans bénéfice d'inventaire!- et c'est pour cela que c'est dabord une fidélité(...) On a voulu faire de De Gaulle un cynique, alors qu'il ne fut qu'un réaliste (...) et toute sa vie ne fut en réalité qu'un fantastique défit à la fatalité. "De l'action, de l'action, toujours de l'action!" disait Clémenceau, un homme qu'il admirait.

Dans ce perpétuel appel à l'effort et à l'énergie, le Général ne cessa de se placer dans la ligne d'une continuité : celle de la France et de ses deux mille ans d'histoire(...) Pour de Gaulle, il y a la France qui est "la France de toujours" et il y a les Français qui sont "les Français d'aujourd"hui". Voilà pourquoi ces deux réalités ne se confondent pas, même s'il est vrai que, naturellement, "ce sont les Français qui font la France" et "qui en sont responsables de génération en génération". "La France, poursuit le Général, c'est plus que les Français du moment, la France vient de loin, elle est ce qu'elle est maintenant, et puis elle a l'avenir; autrement dit, la France embrasse toutes les générations de Français ety d'abord, bien entendu, les générations vivantes". Propos de bon sens(...)Tant c'est, intensément, ce que chacun éprouve quant à lui-même, à sa famille, son village, son quartier : l'appartenance à une lignée, l'évidence d'être le maillon d'une chaîne, même si la société de consommation corrompt cette vision et si la philosophie de la jouissance tente de le persuader du contraire!.

A Liège-France, faut-il le dire, nous sommes pour "la France de toujours" !

Extraits de La grandeur de la France, par Gilbert Perol, Paris, 1991, Alb. Michel, pages 56-58.

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