vendredi 13 juin 2008

Aux sources du problème BHV : la francisation de Bruxelles

Dans l'agglomération bruxelloise, qui ne comptait alors que 16 communes, près de la moitié de la population (48,09%) avait , en 1910, le flamand comme langue usuelle. Parmi celle-ci, 24,29% étaient unilingues flamands, 30,46% unilingues français et 45,24 % bilingues. Par rapport à 1880, le recul des unilingues flamands était de 30,49%, tandis que le progrès des unilingues français était de 13,86% et celui des bilingues de 16,64%.
En 1930, les unilingues flamands ne représentaient plus que 14,13% des habitants de l'agglomération bruxelloise, tandis que le pourcenage des unilingues français grimpait à 40,03, celui des bilingues (de 45 à 50%) étant pratiquement inchangé depuis 1890. Quant à la langue usuelle des habitants, c'est entre 1910 et 1920 que la situation a basculé : De 50/50 environ en 1910, le pourcentage des "usuels" flamands est tombé à 38,41 % en 1920 et à 34,19 % en 1930, tandis que celui des "usuels" français montait, respectivement, à 61,58% et 65,80%.
Si l'on prend l'ensemble de l'arrondissement de Bruxelles, les proportions sont identiques, mais avec des chiffres plus élevés pour le flamand : 60,59% en 1910, 53,17% en 1920 et 49,76% en 1930.
L'examen des chiffres commune par commune, pour l'agglomération, montre qu' en 1930, il y avait encore une large majorité de locuteurs flamands à Anderlecht, Koekelberg, Jette-Saint-Pierre, Molenbeek, Berchem-Sainte-Agathe, Ganshoren et Evere. Dans les autres, la francisation avait été plus rapide .Il ne restait pour les "usuels" flamands que les pourcentages suivants : à Auderghem: 43,54% contre 75,91 en 1910; à Woluwe-Saint-Pierre: 41,22% contre 66,54; à Woluwe-Saint-Lambert : 40,67% congtre 64,78; à Uccle: 36,07% contre 61,13; à Watermael: 34,34% contre 57,12 et à Bruxelles-ville : 35,78% contre 51,85. Six communes avaient déjà une majorité francophone en 1910 : Forest, Schaerbeek, Etterbeek, Saint-Josse-ten-Noode, Saint-Gilles et Ixelles.
Que faut-il en conclure ?
1) que Bruxelles et son agglomération étaient bien, comme le disent les Flamands, une terre historiquement flamande;
2) qu'à la fin du 19è siècle, un certain nombre de ces communes étaient peuplées d'une majorité écrasante de Flamands : 81,79% à Auderghem (dont M. Lucien Outers devint bourgmestre FDF dans les années '80), 97,16% à Woluwe-Saint-Pierre; 90,33% à Woluwe-Saint-Lambert ( dont le bourmestre actuel est M.Olivier Maingain, président du FDF et vice-président du MR); 81,26% à Uccle; 70, 51% à Watermael; 58,58% à Forest.
3) qu'il n'y a aucune comparaison possible entre la situation de la Wallonie, vieille terre de langue et de culture romane - dont les dialectes, autant que le français, sont issus du latin- ,et celle de l'agglomération de Bruxelles, terre de langue et de culture flamande, dont les dialectes sont d'origine germanique.
4) que les Wallons sont chez eux en Wallonie, alors que les francophones bruxellois occupent, en quelque sorte, une terre conquise par la francisation .
5) que dès lors, les mentalités, les sensibilités, les réactions et les intérêts des uns et des autres sont nécessairement différents, un peu comme ce fut le cas pour les Français de France et les "Pieds-noirs" d'Algérie.
6) que ce qui est vrai pour les 19 communes de la Région bruxelloise l' est encore davantage pour les 6 communes "à facilités", où les "droits" des francophones sont encore plus discutables.
7) que le combat des francophones de Bruxelles et surtout de sa périphérie, pour respectable qu'il soit, est profondément étranger aux problèmes des Wallons et en particulier des partisans de la réunion à la France, qui doivent axer tous leurs efforts sur leurs véritables objectifs, sans se laisser distraire - voire entraîner - par de vieux réflexes anti-flamands indignes de notre Cause.
Source : La francisation des arrondissements de Bruxelles, Arlon et Verviers au cours d'un demi-siècle (1880-1930), par J.M. Remouchamps, ancien secrétaire général de l'Assemblée Wallonne, 2é édition, Bruxelles, 1937.

10 commentaires:

Anonyme a dit…

Vous connaissez la définition d'un bon bilingue belge ? Un homme, ou une femme, qui parle mal deux langues...
Quant à la multiculturalité, la richesse des langues étrangères,celle des métissages et autres sornettes, relisez donc ce que le grand Wallon Jules Destrée écrivait à propos de Bruxelles et de sa population :
" Elle a pour moyen d'expression un jargon innomable dont les familles Beulemans et Kakebroek ont popularisé la drôlerie imprévue. Elle est ignorante et sceptique. Elle ne croit à rien(...)Le patriotisme de ces middelmates est nul, ils accepteraient bénévolement toute domination qui ne dérangerait point leurs aises coutumières(...)Cette population de la capitale(...) n'est point un peuple : c'est un agglomérat de métis..."
Extrait de la "Lettre au Roi" de Detrée, reproduit par "Le Soir" dans sa "Saga Belgica" du 2 juin 2008.

Anonyme a dit…

De précieuses précisions qui ne manqueront pas d'interpeller ... ! Car il faut d'abord savoir d'où l'on vient pour savoir où l'on va. Et il faut d'abord savoir où l'on veut aller pour savoir ce que l'on veut ! L'histoire de l'Etat belgique n'est-elle pas menée par la longue marche du peuple flamand vers son auto-détermination ? Les flamands savent d'où ils viennent, où ils veulent aller et donc ce qu'ils veulent. Et si nous les wallons ... et si nous, Peuple Wallon, prenions aussi conscience de notre propre identité et marcherions aussi vers notre auto-détermination ... ?

A. Schreurs a dit…

Les propos de Jules Destrée sont évidemment excessifs. N'oublions pas qu'ils datent de 1912, époque à laquelle le peuple, dans la région bruxelloise, était encore très flamand.
Par après, on a fait nettement la distinction, dans le Mouvement wallon, entre les Bruxellois flamands ou bilingues et les "Wallons de Bruxelles", considérés comme des frères.
Les militants wallons de Bruxelles, peut-être parce qu'en contact quotidien avec ce "peuple bruxellois" effectivement assez métissé et flamand, étaient même souvent parmi les plus radicaux. Au Congrès wallon de 1945, ce sont les militants wallons de Bruxelles qui, avec ceux de Liège, ont largement contribué au résultat du premier vote en faveur de la réunion de la Wallonie à la France.
Mais ils se disaient wallons et non bruxellois. Par exemple, un de leurs leaders, Marcel-Hubert Grégoire, d'origine ardennaise, se déclarait "député wallon de Bruxelles" et non député bruxellois ou francophones. On ne parlait guère de "francophones" à cette époque et l'expression "francophone bruxellois" ou "Bruxellois francophone" n'est apparue que bien plus tard, dans les années '74,avec la création de FDF. Tout cela est très bien expliqué dans l'ouvrage de Chantal Kesteloot "Aux origines du FDF et de Bruxelles français".
C'est que les fils des "Wallons de Bruxelles", nés et ayant grandi dans la capitale, ne se sont plus sentis "wallons", mais bruxellois francophones, avec une toute autre sensibilité.D'une sorte "d'avant-garde wallonne", ils sont devenus les défenseurs d'un "Bruxelles français" déraciné, en quelque sorte, de la Wallonie (Monsioeur Olivier Maingain, par exemple, dont le père était un militant wallon, n'a jamais été tenté de se dire "député wallon de Bruxelles"!). Lors des premières réformes de l'Etat, ils ont privilégié - et continuent à privilégier - le concept de "Communauté française", au d&triment de celui de "Région wallonne", reprochant même aux régionalistes wallons de se "replier" sur la Wallonie, alors que c'est la Wallonie et non Bruxelles qui avait toujours été, jusque là, la priorité du Mouvement wallon.
Il faut même ajouter que les Wallons, pendant des décennies, ont eu autant à souffrir de la centralisation bruxelloise et de la morgue des Bruxellois francophones belgicains, que d'une certaine forme d'impérialisme flamand. Il résulte de tout ce qui précède que le combat pour la libération de la Wallonie du carcan belge et sa réunion à la France est tout-à-fait différent de celui des Bruxellois francophones pour maintenir, voire développer leur hégémonie actuelle, non seulement dans la Région bruxelloise, mais même dans les communes de la périphérie et une partie du Brabant flamand. Les deux combats divergent tellement,que nous nous sentons parfois plus proches des nationalistes flamandsque du FDF dans la mesure ou, comme nous, ils veulent libérer leur Région du carcan belge, alors que les défenseurs du français dans les communes à facilités, par exemple, sont aussi les plus belgicains. En tant que séparatistes nous-mêmes - car on ne peut être rattachiste que si l'on est d'abord séparatiste - on ne peut nous reprocher de considérer que nos alliés objectifs sont les séparatistes flamands, plutôt que les belgicains francophones...

Anonyme a dit…

Bravo et merci, M. Schreurs, de ces divines mises au point que tout militant qui se dit "rattachiste", devrait lire et méditer. Car enfin, il nous faudra quand même bien sortir un jour de cet obscurantisme belgo-belge. Notre lutte n'est absolument pas celle du FDF. En quoi consiste la lutte du FDF ? Elle consiste dans les faits, à promouvoir la francisation de communes flamandes, c'est à dire de communes qui étaient au départ purement flamandes, donc à promouvoir l'établissement et l'extension de colonies "francophones" en territoire flamand. Non merci, très peu pour moi et pour nous ! Jamais je ne défendrai ni la création ni l'extension de colonies israéliennes en territoires palestiniens, jamais ! Le fameux "hinterland" bruxellois dont parle le Ministre Picqué, se trouve en Flandre donc est flamand. Point ! C'est la raison pour laquelles je souhaîte de tout mon coeur, la scission pure et simple de l'arrondissement de Bruxelles-Halle-Vilvorde. Quant aux personnes de langue françaises qui habitent dans Halle ou Vilvorde, ou bien elles apprendrons le néerlandais et s'intégreront comme des gens civilisés, dans la réalité flamande de l'endroit, ou bien elle déménagerons et iront s'installer en terre de langue française. Est-ce si compliqué ?Chacun chez soi ! Et je suis persuadé qu'alors, règnera un bien meilleur voisinage inter-communautaire. Faisons nos adieux à la belgique, nos adieux à ce gros mensonge, cette chimère qui nous aura fameusement pollué l'esprit.

Anonyme a dit…

Il est bon de dire que "l'hinterland" est un concept économique. C'est simplement la zone d'attirance d'une ville ou d'une région.
Ce concept ne peut évidemment pas être étendu aux aspects sociologiques, humains ou politique.

Anonyme a dit…

Dans la même logique, pensez-vous que la flandre française n'a pas sa place en France?

Anonyme a dit…

vu sur Vox Latina:
Note : ce 13 juin, le Standaard nous apprend que les données officielles les plus récentes (2006) indiquent que 242.876 Flamands (eh, oui !) ont déménagé vers une autre région du pays (en réalité, vers la Wallonie, où les terrains sont moins chers). Jodoigne, Flobecq, Grez-Doiceau, Hannut, Beauvechain sont les villages les plus touchés par cette "immigration" qui ne fait pas preuve d'une volonté particulière d'intégration.
Nul doute que les problèmes linguistiques de la périphérie s'exporteront bientôt en Wallonie."
"Combien de Wallons seraient prêts à devoir parler flamand à Jodoigne ou Hamme-Mille si les flamands y étaient majoritaires ?

Combien de Wallons seraient prêts à ce que ces villes deviennent flamandes ? Les flamands s'installent de plus en plus en Wallonie, c'est un fait réel ( est-ce à cause de la montée des océans ?) mais le fait est là !
je me pose une question:

N'y-a-t-il pas là une contradiction ?
d'une part, 150.000 francophones demandent le bilinguisme alors qu'ils se trouvent effectivement en Flandre
d'autre part, 60.000 germanophones ont obtenu l'unilinguisme allemand bien que ce trouvant en Wallonie
d'autre part encore , les 250.000 flamands qui habitent en Wallonie ne pourraient pas bénéficier de cette réciprocité ?
ne serait-il pas temps de fixer des frontières car enfin si la W. retourne à la France, doit-elle absolument entraîner Bxl ?

A. Schreurs a dit…

La Flandre française, comme l'Alsace par exemple, a tout-à-fait sa place en France. Le processus historique est tout différent et les "Chtis" se sentent Français, tandis que les Bruxellois francophones qui se sont établis en Flandre ne se sentent pas du tout Flamands et refusent de s'assimiler à la population.

Anonyme a dit…

"La Flandre française, comme l'Alsace par exemple, a tout-à-fait sa place en France. Le processus historique est tout différent et les "Chtis" se sentent Français, tandis que les Bruxellois francophones qui se sont établis en Flandre ne se sentent pas du tout Flamands et refusent de s'assimiler à la population."

Je vous parle de Bruxelles ici - je peux vous garantir que l'on ne sent pas Flamands (tout comme notre périphérie). Tout comme à Lille où Dunkerque.

Anonyme a dit…

Pourriez-vous expliquer votre raisonnement ? Nous ne comprenons pas votre comparaison, ni ce que vous voulez démontrer ?