mardi 3 février 2009

La Belgique menacée d'implosion

Par Jules Gheude, essayiste politique(1)

Selon Thierry de Montbrial, direteur de l'Institut français des relations internationales, il est important de dire que la Belgique existe : il y a quelque chose comme une identité belge. L'intéressé fait en outre le pari que le rattachement n'aura pas lieu dans un avenir prévisible. Mais il souligne toutefois que la véritable menace, c'est le risque d'implosion du pays (voir la page Forum du Soir du 29 janvier 2009).
Il est un fait incontestable qu'en France, qui s'est constituée en plus de mille an par la volonté politique, tant à travers de vives turbulences qu'avec l'assentiment pacifique des populations concernées, Nation et Etat coïncident. La République française étant animée par un esprit national commun - le fameux plébiscite de tous les jours, dont parlait Ernest Renan -, son opinion est donc de considérer l' Etat-Nation comme un phénomène universel.
Mais contrairement à la France, à l'Allemagne, aux Pays-Bas ou à l'Italie, la Belgique ne s'est pas faite d'elle-même. Elle a été créée artificiellement, d'un trait de plume diplomatique, en 1830, pour répondre à la méfiance britannique à l'égard de la France.
On préfère généralement le jugement simple de valeur à la connaissance réelle d'une évoltion historique complexe. Aussi le citoyen français a-t-il tendance à réagir avec surprise, voire désapprobation, face au spectacle de la désagrégation que lui offre aujourd'hui la Belgique. Telle est également l'attitude de Thierry de Montbrial, en parlant de l'identité belge. Puisqu'il y a un Etat belge, il va nécessairement de soi qu'il y a une Nation belge. La réalité est toutefois bien différente.
Talleyrand n'a jamais cru aux chances de viabilité de cette construction belge hétéroclite. Ne déclarait-il pas, en 1832, à la princesse de Lieven : Les Belges ?...Ils ne dureront pas. Tenez, ce n'est pas une nation, deux cents protocoles n'en feront jamais une nation, cette Belgique ne sera jamais un pays, cela ne peut tenir.
Une Belgique à bout de souffle, rongée par le nationalisme flamand, les haines partisanes et les compromissions. Une classe politique discréditée, maquée par des egos surdimensionnés. Des négociations communautaires à n'en plus finir et qui n'aboutissent pas. Un budget en déséquilibre. Aucune gestion à long terme pour faire face aux terribles défits socio-économiques qui nous attendent : tel est le spectacle affligeant qui nous est offert depuis les élections du 10 juin 2007 et qui derait se poursuivre avec la nouvelle coalition Van Rompuy 1er.
Dans son Histoire d'une nation introuvable (éd. Paul Legrain, 1988), François Perin a tenté vainement de dénicher cette identité belge dont parle Thierry de Montbrial. En revanche, il n'a eu aucune peine à établir l'émergence d'un Etat-Nation flamand.
Voilà bien où se situe l'explication de l'impasse politique dans laquelle se trouve la Belgique aujourd'hui.
Le sens des responsabilités implique de mener à présent la réflexion dans un contexte post-Belgique. Tel est le sens de l'initiative que Didier Melin, Thierry Ollev ier, Claude Thayse et moi-même avons prise en février 2008 en lançant le Manifeste pour la convocation des Etats généraux de Wallonie, l'objectif étant d'amener les forces vives de la Région wallonne à se prononcer, dans les meilleurs délais et en toute connaissance de cause, sur les options d'avenir possibles dans l'hypothèse - de plus en plus plausible - d'un démantèlement à court terme de la Belgique : 1° un Etat wallon indépendant; 2° un Etat Wallonie-Bruxelles; 3° la réunion de la Wallonie à la France.
Mises en place en août 2008, les commissions d'études viennent de livrer les résultats de leurs travaux : un document de 300 pages, présentant les arguments à charge et à décharge pour chacune des options. Il s'agit, en fait, du premier exercice du genre(2).
Il importe de se préparer dès maintenant à l'inéluctable. Car la pire des choses en politique est de se laisser surprendre et de devoir réagir dans l'improvisation.
Sur un point, au moins, Thierry de Montbrial a raison : La véritable menace, c'est le risque d'implosion de votre pays.
(1) Derniers ouvrages parus : L'incurable mal belge sous le scalpel de François Perin, préface de Xavier Mabille, président du Crisp, éd. Mols, 2007 et Le choix de la Wallonie - Pour la convocation de ses Etats généraux, préfaces de Jean Beaufays et Pascal Delwit, éd. Mols, 2008.
(2) Ces rapports peuvent être obtenus, moyennant 15 euros, via le site http://www.etatsgenerauxdewallonie.net/
La prochaine réunion du Comité d'organisation des Etats généraux de Wallonie aura lieu ce mercredi 4 février, à 19 h 30, à l'Hôtel de Ville d'Andenne.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Je suis encore plongé dans ces rapports, ils sont sources d'arguments afin de se forger une opinion en béton sur les sujets évoqués.

J'avais entendu parler à une réunion du RWF (à Andenne justement) de la réunion du Comité d'organisation des États généraux que vous mentionnez en fin d'article. Peut-être pourrez-vous me renseigner : peut-on y assister librement ?

Amicalement,
Sébastien Strazzer