vendredi 10 juillet 2009

Peuple, nation, Etat...Une interview du professeur flamand Lode Wils dans l'hebdomadaire "Knack"

M. Jules Gheude vient d'envoyer aimablement à ses amis des Etats généraux de Wallonie, la traduction française de cet interview, publié dans l'hedomadaire flamand de cette semaine.
M. Lode Wils est considéré, en Wallonie aussi, comme un expert lorsqu'il s'agit de nationalisme. Il a notamment publié chez Acco une série d'essais sous le titre "De la nation belge à la nation flamande".
Après avoir exposé les différentes définitions de la nation, il opte finalement pour celle de Renan : une volonté de vivre ensemble fondée sur une histoite commune ou ressentie comme telle, d'où le titre de l'interview dans Knack : "Le plébiscite de tous les jours".
Faisant un parallèle entre le Mouvement wallon et le Mouvement flamand, il écrit que le premier serait né en 1884, non pas en Wallonie ou à Bruxelles comme on le pense généralement, mais à Anvers, Bruxelles et Gand et seulement plus tard en Wallonie. Jusqu'en 1905, certains leaders wallons essaieront de supprimer rétroactivement la Loi d'égalité [des langues] de 1898, qui mettait le français et le néerlandais sur le même pied. En 1906, le Mouvement wallon s'y résigne, mais plaide alors pour une scission administrative. C'est cette année là, en effet,que le sénateur liégeois Emile Dupont, auquel la Ville de Liège a dédié une place publique, s'écriera à la tribune de la Haute assemblée : vive la séparation administrative !
C'est en 1913 que le socialiste flamand Camille Huysmans défendit le principe de l'unilinguisme de la Flandre, qu'il appela l'année suivante "l'autonomie culturelle". Mais il combattit finalement le principe de l'unilinguisme "tel qu'il avait été fixé dans la grande législation linguistique des années trente". La Flandre se cherchait en effet, à cette époque, entre l'unilinguisme et le bilinguisme et ce sont les Wallons qui ont fait basculer la balance en faveur de l'unilinguisme des régions [ndlr], situation qui allait entraîner toutes les réformes qui suivirent.
Le fait qu'après la Seconde Guerre mondiale "la ligne de rupture communautaire a traversé et traverse toujours tous les partis " politiques, marque, pour Lode Wils, le début de la fin de la Belgique. Au journaliste qui lui pose la question : Sans Bruxelles et sans la monarchie, la Belgique serait scindée depuis longtemps ?, le professeur flamand répond : En effet. Mais il ajoute : "Et si la Belgique se scinde, la Flandre perdra Bruxelles et les communes de la périphérie".Il dit encore, pour terminer: "Je ne sais pas si la Wallonie, bien plus que la Belgique, est devenue une nation, mais la Flandre sûrement(...) La Belgique n'[y] est pas populaire ; le sentiment belge a disparu. Cela me frappe constamment car je suis toujours un Belge...
Où nous ne pouvons suivre M. Lode Wils, c'est quand il affirme que la Belgique a des fondements séculaires, qu'elle a été créée non pas en 1830, mais en 1430 par Philippe le Bon, de même que l'histoire des Pays-Bas ne commence pas en 1815, mais avec Guillaume le Taciturne au 16è siècle. Cette affirmation - fausse -ne nous surprend pas, car M. Lode Wils est également l'auteur
d'un ouvrage intitulé : Histoire des nations belges, titre alléchant malheureusement sous-titré : Belgique, Flandre, Wallonie : quinze siècles de passé commun(1) !
Cette affirmation est évidemment fausse : l'auteur fait l'impasse sur l'existence réellement millénaire de la Principauté de Liège,- une vraie nation, elle - qui n'a aucun passé commun avec la Flandre et le Brabant, ce dernier ayant même été son ennemi héréditaire pendant des siècles. Liège n'a pas participé non plus à la Révolution brabançonne de 1789, mais a fait sa propre révolution à l'instar de celle de la France, a laquelle elle a voté librement son rattachement en 1792-93...Or la principauté qui, avant la réunion, touchait la frontière française, avait un territoire correspondant à environ le tiers de la Wallonie d'aujourd'hui...! Evoquer un "passé commun" entre la Belgique, la Flandre et la Wallonie est donc pour le moins téméraire et sans fondement historique. Il fallait qu'un Liégeois le dise !
(1) Editions Quorum, 1996, 360 pages, traduction et avant-propos de Chantal Kesteloot. L'édition néerlandaise est parue en 1992.

2 commentaires:

P. Jadoul a dit…

Très intéressant.
Comme toujours d'ailleurs. Probablement parce que la raison domine.

Que de l'air fraiche et quelle différence après les échanges d'insultes sur les fora du Soir et de la Libre (récemment) ou l'hystérie anti-flamande du blog de Quatremer.

paul coche a dit…

Bonjour Mr. Schreurs, je lis vos commentaires avec intérêts et plaisir. Dans le cas présent, il ne fallait pas traduire België en français. La raison en est que le Leo Belgicus, soit la België, signifiait les Pays-Bas au 16e siècle. Lesquels Pays-Bas ne comprenaient évidemment pas la Principauté de Liège mais bien les territoires wallons de l'Artois, du Hainaut/Cambrésis, de Namur (en partie)et du Luxembourg (wallon et germanique). Loin de moi de vouloir jouer sur les mots mais n'oublions pas que le qualificatif et le substantif "belgique" sont postérieurs à leur version néerlandaise.Ce qu'aucun historien bruxellois ou wallon ne signalera à ses lecteurs ou auditeurs !