mardi 21 juillet 2009

Que la Belgique crève ?

C'est le titre du petit livre que vient de publier M. Herman De Croo (1), qui ajoute en sous-titre : Questions aux séparatistes. L'ancien président de la Chambre des représentants, qui fut plusieurs fois ministre VLD, s'adresse uniquement, semble-t-il, aux séparatistes flamands. En 36 pages, il s'efforce de démontrer qu'en devenant indépendante, la Flandre aurait beaucoup à perdre du point de vue économique et financier, ainsi que concernant sa position sur le plan international.
Pour M. De Croo, "la praticabilité du mythe dont s'inspirent les séparatistes est nulle et (lui) permet de conclure que le séparatisme est basé sur une idéologie éculée, dont les excroissances négatives sont bien plus grandes que ne le seront jamais d'hypothétiques répercussions positives".
Négligeant tout aspect national ou toute conscience collective, le ministre d'Etat fait l'impasse sur la vocation naturelle de toute nation à s'ériger en Etat. Les exemples ne manquent pourtant pas dans le monde, qu'il s'agisse des Palestiniens auxquels Israël refuse de reconnaître un Etat, ou des Kurdes à cheval sur le nord de la Turquie (européenne ?) et celui de l'Irak. Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, c'est sans doute ce qu'il considère comme une "idéologie éculée"... Pour lui, l'Etat flamand n'est qu'une utopie.
Dès lors, l'argumentation de M. De Croo n'est qu'un ensemble de chiffres et de statistiques. S'inspirant du rapport du groupe "Coudenberg", il s'en prend tout d'abord au manifeste de La Warande , lancé il y a quelques années par des économistes et des patrons flamands. Sans nier la récente étude de Jules Hannès soulignant l'importance des transferts financiers de la Flandre vers la Wallonie, il estime que "l'analyse rationnelle ou économique des séparatistes fait abstraction de tous les problèmes financiers, économiques, juridiques et pratiques que poserait l'indépendance."
L'ancien président de la Chambre évoque le mythe du confédéralisme et la perte fiscale que constituerait pour la Flandre le fait que ses 227.900 navetteurs qui travaillent à Bruxelles deviendraient des travailleurs frontaliers, ainsi que l'inquiétude des investisseurs étrangers et la perte de crédit sur le plan international. Pour M. De Croo, la comparaison avec le divorce tchécoslovaque ne tient pas la route pour diverses raisons, dont la principale est sans doute 'l'absence d'une capitale commune, le problème de Bruxelles étant à son avis inextricable en cas de scission de la Belgique (2).
Comme nous l'avons dit, la tentative de démonstration de M. De Croo ne s'adresse qu'aux séparatistes flamands. Il ne s'interroge pas sur le sort de la Wallonie dans cette éventualité. Et pour cause : nous n'envisageons pas un Etat wallon indépendant, qui devrait sans doute faire face à bien plus de problèmes que la Flandre, mais la réunion de la Wallonie à la France, sous la forme d'une Union-intégration, qui résoudrait nos problèmes sur le plan économique, financier et international. En effet, la République serait prête à reprendre la dette de la Wallonie, à financer sa sécurité sociale, et la question de la reconnaissance d'un nouvel Etat au sein de l'Union européenne ne se poserait pas. Les rattachistes wallons ne sont des séparatistes que dans un premier temps, pour pouvoir ensuite se réunir à la France.
Quant à la Flandre, l'ancien ministre libéral, qui se prétend pragmatique, ne souffle mot de l'importance des forces séparatistes flamandes, qui représentent près de 40% de l'électorat de Flandre. C'est pourtant aussi une réalité dont il faut tenir compte...
(1) Hermann De Croo, Que la Belgique crève? Questions aux séparatistes, Bruxelles, éd. Racine, 2008, 36p. Avec une version en néerlandais, présentée en "tête-bèche".
(2) Nous ne cessons de répéter ce que le Mouvement wallon a toujours dit : c'est le problème de Bruxelles qui empoisonne tout. Sans cela, la Belgique aurait déjà éclaté depuis longtemps ! C'est pourquoi les rattachistes doivent absolument ne plus conditionner leur combat à celui des francophones bruxellois. Les deux causes deviennent de plus en plus antinomiques : il faut résolument les séparer.
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7 commentaires:

Raphaël Legros a dit…

Ne dites pas que vous ne l'avez pas fait exprès de choisir ce titre pour la fête du 21 juillet...

Jean Petit a dit…

Je suis descendu en ville pour voir l'ambiance à Liège ce 21 juillet. Une première constatation : très-très peu de drapeaux belges, même dans les quartiers traditionnellement belgicains comme la rue Louvrex, les Terrasses, etc. Place du Marché et en Féronstrée (ne dites surtout pas rue Féronstrée, car ce serait un pléonasme), pas un seul drapeau belge, même pas à l'Echevinat du Tourisme, hormis l'habituel drapeau belge qui flotte en permanence à l'Hôtel de ville, à moitié dissimulé dans un bouquet chatoyant aux couleurs de Liège, de la Wallonie et de l'Europe. En hors-Château, pas un seul étendart belge non plus, un seul drapeau, mais...liégeois, au fronton de l'Ecole d'hôtellerie. Au Palais de justice, le même bouquet de drapeaux qu'à l'Hôtel de ville... Idem à l'Université, place du XX Août, où l'on remarque surtout un drapeau wallon rutilant. Dans quelques rues, des drapeaux "nationaux" suspendus, mais à côté de drapeaux espagnols en l'honneur du tour cycliste d'Espagne...Bref, une ville morte, Liège, le 21 juillet, morte comme la Belgique.

Gaétan Bodart a dit…

Moi, j'ai été au parc d''Avroy, par curiosité. C'est là qu'avait lieu la petite fête organisée par le MadCafé et BPlus. Il y avait une brocante, qui avait attiré quinze cents visiteurs, selon les rapports de police. Il y avait eu la veille un petit bal aux lampions. Une ambiance de village... Il paraît que l'échevinat de la culture avait prété son concours, qui gère aussi les relations "interculturelles". Là, on comprend mieux ; interculturelles entre les Liégeois et les Belges ?

Josette Shipers a dit…

Pour le tour espagnol, la commune aurait pu mettre des drapeaux wallons ou liégeois.Il ne faut pas demander au gros Willy d'avoir de l'imagination !

G. Docquier a dit…

Au fond,à part les brusselairs, surtout les périphériques pour qui c'est une seconde nature, il n'y a que deux sortes de belgicains : les nantis et les primaires !

P.J. a dit…

Donc De Croo pose des questions aux séparatistes flamands - mais nom d'une pipe, pourquoi les poser en français ? S'il veut qu'ils prêtent l'oreille, il aurait du le faire en néerlandais !

Ce livre n'est qu'une pose donc. Il joue 'pour la galerie', et il s'agit d'une galerie francophone.
Ce qui n'étonne pas. Après tout Herman de Croo est un 'franskillion' classique qui s'adresse à sa femme et à son cheval en français et qui se comporte chez lui à Brakel comme un bon baron belgicain du 19me siècle.

Mais ce livre n'a aucune importance pour le débat en Flandre donc. A oublier.

Un administrateur a dit…

@ Pierre-Jean :

Vous faites erreur. Le livre de M. De Croo est publié en français et en néerlandais, selon une présentation de type "tête-bèche". Il est bien destiné essentiellement aux Flamands.