mardi 10 août 2010

Frontière "linguistique", frontière ethnique,
frontière d'Etat ? 

Quelle est exactement la nature de la frontière qui sépare la Wallonie et la Flandre ? Comment a-t-elle été fixée ? Cerrtains prétendent qu'elle n'a pas été fixée démocratiquement, qu'on n'a pas consulté les populations concernées et qu'elle a été imposée par les partis flamands.
La vérité est beaucoup plus nuancée.
On sait que la frontière dite "linguistique" a été fixée par la "loi Gilson", du nom du minisre de l' 'Intérieur de l'époque, par un vote du Parlement en 1962. Ce que l'on semble ignorer dans certains milieux, c'est que la fixation de cette frontière était une vieille  revendication du  Mouvement wallon.
Voici ce qu'on peut lire dans la Nouvelle Revue Wallonne, qui était l'organe officiel du Congrès National Wallon (1) , sous le titre "La fixation de la frontière ethnique" :
"La fixation de la frontière ethnique enre la Wallonie et la Flandre est le premier succès remporté par le Mouvement wallon depuis que celui-ci a opté pour le fédéralisme. Elle avait été inscrite à son programme au Congrès de Concentration Wallonne qui se tint à Tournai le 21 novembre 1937, sous la présidence de l'abbé Mahieu. Elle avait fait l'objet d'une délibération de Wallonie Libre le 4 février 1951 et le Congrès National Wallon lui avait consacré une journée d'études, à Jambes, le 11 février suivant".
"Dans l'esprit du Mouvement wallon, cette réforme devait produire des effets importants. Elle devait assurer l'arrêt des infiltrations flamandes dans les communes wallonnes septentrionales et permettre la résorption des minorités étrangères à la région. Elle devait faire disparaître le concept unitariste de 'Belge d'expression française' et de 'Belge d'expression néerlandaise' pour le remplacer par celui de 'Wallon' et de 'Flamand'. Elle devait enfin, par une modification concomitante des limites de communes, de cantons, d'arrondissement et de province, faire de la Wallonie et de la Flandre deux territoires homogènes, à caractère national, préfigurant les Etats qui formeraient plus tard la Belgique fédérale".
"Pour des raisons différentes, le Mouvement flamand fut amené, en 1947, à prendre une position parallèle. Le premier recensement décennal d'après-guerre, dont les résultats n'étaient connus qu'officieusement, révéla un curieux phénomène : alors que l'immigration flamande mettait en danger certaines communes wallonnes, des communes flamandes se voyaient menacées par une 'francisation verticale'. Enghien était déjà passé, dans sa grosse majorité, au français. Le pourcentage des francophones augmentait à Renaix. Mais c'était surtout à la périphérie de l'agglomération bruxelloise que la 'dénationalisation' s'opérait avec le plus de force"(...)
"Le Centre Harmel (2), créé en 1949, affirma bientôt la nécessité de supprimer les recensements linguistiques  et de clicher la frontière commune des deux communautés. Il chargea quelques-uns de ses membres de visiter les secteurs litigieux : les localités de la Lys, Mouscron et Herseaux, la région de Renaix, Enghien et les villages de l'Outre-Meuse (3). Ces délégations, composées par moitié de Wallons et de Flamands, interrogèrent des administrateurs municipaux, des instituteurs, des ouvriers, des bourgeois. Ils se documentèrent aussi complètement que possible, puis dressèrent des procès-verbaux qui aboutirent au vote unanime d'une résolution. Cette résolution proposait "dans un but d'apaisement et pour supprimer toute contestation à l'avenir, de fixer définitivement la limite entre les deux communautés linguistiques du pays, en s'inspirant de la carte dessinée par MM. Van Crombrugge [libéral wallon] et Verroken [catholique flamand]"(...)
Alors, frontière linguistique, ethnique, d'Etat ?
A la lecture de ce qui précède, il ne fait aucun doute qu'à l'époque, pour les fédéralistes wallons comme pour les fédéralistes flamands, il s'agissait bien d'une frontière ethnique appelée à devenir une frontière d'Etat.  Cela correspond à notre point de vue actuel, car ce n'est pas seulement par la langue maternelle que la Wallonie et la Flandre diffèrent, mais aussi par la culture, l'histoire, la conception de la vie en société, la politique sociale et économique, bref tout ce qui  constitue une nation.
(1) Voir la Nouvelle Revue Wallonne
(2) Centre de recherches pour la solution nationale des problèmes politiques culturels,  économiques  et sociaux en régions wallonnes et flamandes, dit "Centre Harmel", du nom de son initiateur, le ministre PSC Pierre Harmel.
(3) On désignait par là les six communes de Fouron, que le Centre Harmel proposait de maintenir dans la province de Liège, mais qui furent malheureusement rattachées à la province de Limbourg à la suite de marchandages.
Des questions ? Des remarques ? Postez des commentaires.

6 commentaires:

Français a dit…

Il s'agit d'une frontière ethnique vieille de 2000 ans, plus ou moins changeante sur quelques kilomètres généralement dans le sens d'une poussée romanisante. Il y a donc grosso-modo une bande de 10-15km où effectivement le passé toponymique laisse envisager un passé néerlandophone. Cette bande se prolonge en France puisque la toponymie ancienne de la ville de Lille laisse entrevoir également des formations néerlandaises (le quartier de Wazemmes).

Mais au Sud rien. Ce qui frappe, c'est combien la frontière linguistique a été entamée en France alors que celle-ci est restée stable en France. C'est la puissance française qui explique ce fait, par l'intermédiaire de son dialecte picard. Il n'y a rien d'indigent à la reconnaître : les pays constitutifs de la Wallonie n'ont jamais pu briller et irradier sur leurs possessions septentrionales (je pense à la Principauté de Liège) parce qu'ils ne relayaient pas Paris. Un exemple de plus du carcan belge avant l'heure.

Notons à l'inverse que la persistance des dialectes romans en Brabant dit wallon achève de faire la preuve de l'incapacité historique de Bruxelles de rayonner sur l'intégralité de sa région. Que Waterloo se romanise au XVIIIème siècle, c'est honteux pour Bruxelles !

Jean-Marie Desmet a dit…

"la persistance des dialectes romans en Brabant dit wallon achève de faire la preuve de l'incapacité historique de Bruxelles de rayonner sur l'intégralité de sa région. "

Le "rayonnement" économique de Bruxelles est extrèmement récent. Et encore.
Par contre -et c'est domageable du point de vue - de la défense de l'intégrité française de la Wallonie toute entière. Le rayonnement culturel imposé par la télévision centralisée à Bruxelles provoque une certaine forme d'acculturation. Hélas. Pour eux, c'est tout sauf la France et la langue française.
Quel brol une fois ! ... Oups, j'ai été contaminé. Au secours !

mars2000 a dit…

A l'intention de ceux qui veulent faire croire que le FDF est composé de gens sans racines wallonnes : qu'ils lisent cet article de La Libre au sujet d'André Lagasse, qui vient hélas de nous quitter :

http://www.lalibre.be/actu/belgique/article/601911/andre-lagasse-fondateur-du-fdf-est-decede.html

Un extrait significatif :

"Il entame sa carrière politique à Rénovation wallonne. De 1963 à 1965, il fut par ailleurs membre du comité directeur des Quatre mouvements wallons regroupant le Mouvement libéral wallon, Wallonie libre, le Mouvement populaire wallon et Rénovation wallonne.En décembre 1963, il participe avec trois cents autres professeurs d'université à la création du Rassemblement pour le Droit et la Liberté (RDL).En 1964, il fonde le FDF avec René Bourgeois, Paul Brien, Léon Defosset, Jean Hoffman, Marcel Hombert, Victor Laloux, Marcel Lengrand, Léopold Molle, Lucien Outers, Eugène Paul, Marcel Thiry et Georges Avelange, treize personnes issues, d'une part, des différents mouvements wallons, d'autre part, du RDL et du Bloc de la Liberté linguistique."

Benoît Delvaux

A. Schreurs a dit…

@ Benoit Delvaux :

Bien sûr que M. André Lagasse avait des racines wallonnes. Je l'ai très bien connu, ainsi que Lucien Outers et Marcel Thiry (deux Liégeois).
Mais il ne suffit pas d'avoir des racines wallonnes, encore faut-il s'en souvenir dans sa vie et dans son action. C'était le cas de MM. Lagasse et Outers (tous deux rattachistes), mais ce n'est vraiment pas le cas d'Olivier Maingain...

Quant à Marcel Thiry, il a toujours habité à Vaux-sous-Chèvrement, où il est décédé.

Pol Hancq a dit…

Eugène Pauly (de Wallonie libre)cité dans cet article, de même que Léon Defosset(plutôt socialiste n'ont jamais renié leurs origine wallonnes. Ce pauvre Delvaux manque absolument de la moindre culture historique. Pas étonnant qu'il se soit fourvoyé dans le begicanisme communautariste du néo-FDF...
Bravo à Liège-France de remettre les pendules à l'heure.

Pol Hancq a dit…

Le père de Maingain, Roger, était un grand militant wallon. Sa mère est flamande. Une explication au fait qu'il soit "francophone" et impérialiste ?